Qu'est-ce que t'en penses ?
Question anodine n'est-ce pas ? Et pourtant pour la Schtroumpfette cette petite phrase s'apparente à une arme de destruction massive (non non je n'exagère pas). A peine son interlocuteur lui a-t-il posé cette question que la Schtroumpfette se retrouve contaminée par un certain virus appelé le virus du mondieuqu'est-cequejevaisdire. Ses symptomes sont les suivants : la patiente (la Schtroumpfette vire à l'écarlate prend un délicat teint rosé, semble rétrécir instantanément par un superbe mouvement de je-rentre-ma-tête-dans-les-épaules-et-je-me-recroqueville-au-maximum-sur-moi-même dans une vaine tentative pour disparaître avant de se mettre à bredouiller un vague galimatia ou de se retrouver brutalement aphone.
Non pas que la Schtroumpfette n'ait aucun avis, elle se fait une opinion comme tous les Schtoumpfs êtres humains normalement pourvus en neurones mais elle a une angoisse folle de dire quelque chose qui serait mal interprété, critiqué ou de sortir une bourde monumentale. Si en plus elle a plusieurs personne qui attendent sa réponse la terreur de ne pas réussir à donner une réponse qui satisfera tout le monde va lui couper le sifflet et lui donner le vertige. Vous comprendrez que la Schtroumpfette est paralysée devant le regard des autres. Donner son opinion sans froisser personne lui semble être un parcours du combattant et elle s'en sortira la plupart du temps en détournant la conversation ou en retournant la question à quelqu'un d'autre à l'aide d'un "je sais pas encore et toi t'en penses quoi, dis ?". Quitte à approuver quelque chose avec lequel elle n'est pas d'accord. En effet pour la Schtroumpfette les conflits c'est le MAL !! Et donner un avis contraire à celui d'une autre personne peut entraîner des critiques voire même une discussion un peu vive ou un débat (sauve qui peut !!!). Elle se contentera donc de se ranger à l'avis de son interlocuteur car par un mystère non encore élucidé à ce jour la Schtroumpfette souhaite avant tout dire à l'autre ce qu'il veut entendre.
Ce défaut la fait facilement passer pour une personne sans personnalité, sans conviction, un peu inconsistante. Pourtant elle en a des choses à dire ! Et elle meurt d'envie de le faire, souvent. Mais à chaque fois cette petite voix lui souffle "et s'il se moque de toi ou qu'il se vexe ?" alors elle ravale son opinion et continue de s'applatir toujours plus devant les autres car "de toute façon qu'est-ce que j'en sais moi ? Il est surement beaucoup plus informé/intelligent/*mettez la qualité de votre choix* que moi"
Je suis désolée, je m'excuse
Cette petite phrase est sans doute la plus utilisée par la Schtroumpfette. Désolée elle l'est toujours, désolée de s'être fait bousculée, de gêner quelqu'un, de vouloir ouvrir la porte du bus ... Désolée encore et toujours. Perpétuellement désolée alors qu'elle n'a rien fait, que c'est à elle qu'on doit des excuses. Mais non elle n'avait qu'à pas descendre à cet arrêt-là aussi, elle n'avait qu'à se pousser pour laisser l'autre utiliser tout le trottoir, elle aurait du voir la fille arriver et éviter le sac à main, si ça se trouve elle l'a abimée ... Encore et toujours de sa faute. Enfin bon je ne vais pas philosopher sur cette phrase je vous renvoie à l'article de Madame Patate écrit sur ce même sujet. Toutes mes félicitations pour avoir révaler cette maudite phrase, perso je n'y arrive toujours pas.
Gentille
C'est un mot qu'on utilise souvent pour décrire la Schtroumpfette. J'ai toujours cru que c'était une qualité. J'ai vite découvert qu'en dehors du cercle restreint de ma famille, c'est plutôt une source d'emmerdemments de soucis. "Tu me passes le cours d'UE2 t'es gentille." "Tu me ramènes ce week-end, t'es gentille." "Tu passes me chercher, t'es gentille." "Tu fais ça pour moi t'es gentille" "oui, oui bien sûr". Autant de petits services qui, accumulés, me prenaient un temps fou, me faisant me coucher à pas d'heure, sans aucune récompense, des fois sans un merci. Ces questions je les ai entendues depuis le collège et je n'ai jamais pensé dans ma grande naïveté que ce n'était pas normal de passer l'exercice de maths qu'il fallait faire à toute la classe, de faire le devoir à la maison à la place des autres pour qu'ils n'aient plus qu'à le recopier, de les laisser copier sur moi voire de leur faire passer des brouillons à mes risques et périls (si vous saviez combien de personnes me doivent leur moyenne en maths/physique/svt/anglais ... de collège-lycée). J'ai toujours donné sans rien attendre en retour. Je n'ai jamais su dire non. J'avais besoin qu'on m'aime et tant pis si c'était pour mes bons résultats.
Je trouvais ça normal. J'ai trouvé naturel qu'en 4e plus personne n'amène de copies doubles au contrôle de maths et que j'en distribue à tous sans aucun retour. J'ai cru que rien ne clochait quand ils ont commencé à me prendre mes cahiers d'exercices le matin sans me demander mon avis et à m'engueuler quand je ne les avais pas sur moi. Quand les profs s'en rendaient compte (bah oui on ne passe pas de 6 de moyenne en maths à 18 comme ça) c'était encore moi qui endossait toutes les responsabilités. Trop bonne, trop conne comme on dit. Je croyais que toute ma classe de collège m'aimait bien et quand j'ai changé d'établissement en cours d'année j'ai bêtement pensé qu'ils me regretteraient. Le seul retour que j'ai eu c'est "mais t'aurait pu prévenir, comment je vais faire en maths moi ?" "T'es qu'une salope méchante de nous laisser tomber" etc. Personne ne m'a demandé comment était mon nouveau collège. Tout le monde s'en foutait.
Et pourtant là encore je n'ai pas compris. J'ai de nouveau laisser les autres copier sur moi et recopier mes exercices et je leur faisait leur devoir de rattrapage en maths. Ça a duré en 3e, 2nde et même 1e. En terminale le phénomène était moins présent, les profs faisaient attention à ce qu'on ne lorgne pas sur ma feuille, quitte à m'isoler sur une table à part pendant les contrôles. Mais je fillais encore mes exercices. Le premier semestre de cette année de PAES je me suis promis de ne pas recommencer. Cette fois-ci ce n'est pas de mes cours qu'on a abusé mais de ma voiture. Le 2e semestre est entame et j'ai la résolution de ne plus me laisser marcher sur les pieds et d'arriver enfin à dire non.
Et vous est-ce que vous arrivez à avoir confiance en vous ? A ne pas être désolée en permanence ? A dire non et s'y tenir ?